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Déc

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Clermont-Ferrand interviews

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Régulièrement, le CIED vous propose d’aller à la rencontre des associations sur le territoire du Puy-de-Dôme afin de découvrir ceux qui font vivre l’Europe. Aujourd’hui nous vous présentons Dominique Suquet, Délégué académique aux relations européennes et internationales.

Dominique Suquet, vous êtes délégué académique aux relations européennes et internationales et à la coopération (DAREIC) au rectorat de l’Académie de Clermont- Ferrand. Votre rôle est d’informer et d’aider les établissements sur les programmes et actions d’ouverture européenne et internationale. Expliquez-nous en quoi cela consiste concrètement.

 

La délégation académique aux relations européennes et internationales et à la coopération (DAREIC), au sein du rectorat de l’académie de Clermont-Ferrand, est chargée principalement de deux choses : tout d’abord, avec le recteur et les cadres du rectorat, définir et mettre en oeuvre une politique académique d’ouverture et de partenariats internationaux. Ensuite, conseiller et aider les établissements dans leurs projets d’ouverture et de partenariats internationaux.

L’acronyme DAREIC, s’il est un peu barbare, indique que nous délimitons trois zones de travail :
dans les deux premières zones, nous sommes avec nos partenaires plutôt dans une relation d’échange d’expertises : c’est l’Europe, naturellement (« relations européennes »), et le reste du monde (« relations internationales »). Quant à la 3e zone, contenue dans le mot coopération, elle comprend les pays avec lesquels nous sommes dans une relation de coopération : c’est-à-dire que nous coopérons avec eux pour l’amélioration de leurs systèmes éducatifs.

Combien de partenariats l’Académie de Clermont-Ferrand a-t-elle noués ? Avec quels pays ?

Les partenariats officiels de l’académie avec des autorités éducatives locales en Europe et au-delà sont actuellement au nombre de dix : un en Allemagne (Land de Thuringe), deux au Canada (en Ontario), deux en Ecosse, deux en Angleterre, un aux Etats-Unis, et enfin deux qui entrent dans le domaine de la coopération décrit plus haut : la Côte d’Ivoire et le Bénin. Ceux avec l’Allemagne et l’Ontario sont les plus actifs. Ceux avec l’Ecosse donnent lieu à des relations suivies, mais avec un volume d’activité qui reste un peu en-dessous de nos attentes. Avec le Bénin et la Côte d’Ivoire, nous répondons régulièrement, depuis environ cinq années maintenant, à diverses commandes et demandes des autorités éducatives de ces deux pays.
Quant aux partenariats avec l’Angleterre et les Etats-Unis, ils sont actuellement moins actifs qu’ils ont pu l’être par le passé. C’est d’ailleurs un peu le propre des partenariats et des projets internationaux : ils ne sont jamais pérennes, car pour la majorité des acteurs et des individus impliqués ils reposent sur des intentions et des disponibilités individuelles, et s’inscrivent rarement dans un cadre qui, institutionnellement parlant, rendrait les activités obligatoires ou absolument indispensables.
Ce sont souvent des activités qui, pour les enseignants, s’ajoutent à d’autres tâches. Ceux-ci doivent trouver le bon équilibre entre leurs cours et le temps qu’ils peuvent consacrer à l’international. Ceux qui arrivent à combiner les deux sont ceux qui trouvent le moyen d’inscrire parfaitement leurs activités internationales dans le programme et les objectifs de la discipline qu’ils enseignent, detelle sorte que leur activité internationale (c’est-à-dire leur travail et le travail de leurs élèves avec des enseignants et des élèves étrangers) ne leur prenne pas davantage de temps et d’énergie que ne leur en prendrait un enseignement courant – qui est déjà, par nature, exigeant. Mais ceci est une situation théorique très improbable : à ma connaissance aucun enseignant ne parvient à développer des activités avec des collègues et des élèves étrangers sans que cela ne lui demande davantage de temps et d’énergie. C’est pourquoi certains enseignants hésitent à se lancer dans l’international, et c’est pourquoi il est important d’être en mesure d’apprécier l’effort qui est fourni par ces collègues qui s’investissent dans l’international. Les élèves savent cela, et sont généralement reconnaissants envers eux. D’ailleurs, à ce propos, lorsqu’on est un enseignant qui n’a pas la possibilité de développer un travail avec des partenaires étrangers, que ce soit pour des raisons de temps ou d’autres raisons personnelles ou professionnelles, ou encore parce qu’on ne trouve pas de partenaire étranger (cela arrive régulièrement), et que dans le même temps on sent une demande de la part des élèves pour des projets internationaux, je crois qu’il est important de prendre quelques minutes pour expliquer aux élèves pourquoi ça n’est pas possible au moment présent.
C’est particulièrement vrai pour les enseignants de langue qui doivent, il me semble, être attentifs aux besoins qu’ont leurs élèves d’échanger et de travailler avec des élèves étrangers, dans la langue qu’ils apprennent, et qui ne comprennent pas toujours pourquoi les élèves de la classe ou du collège d’à côté échangent ou vont rendre visite à leurs correspondants italiens ou anglais, par exemple, et pourquoi eux n’ont pas de correspondants.

Les facteurs humains comptent pour beaucoup dans le succès et la stabilité des partenariats, et c’est ce qui explique que certains soient très actifs à un moment donné, alors que d’autres sommeillent ou ralentissent. Seuls les partenariats franco-allemands, en réalité, bénéficient de la plusvalue que leur apporte la solidité des relations franco-allemandes, qui repose à la fois sur l’affichage politique au plus haut niveau dans les deux pays, et sur les jumelages que de nombreuses municipalités françaises et allemandes font vivre parfois, pour certaines, depuis plus de 60 ans. Les partenariats franco-allemands, du fait de l’histoire franco-allemande, sont privilégiés de ce point de vue, et la mutation du professeur d’allemand dans un autre établissement n’entraine pas la fin du partenariat entre les établissements, comme c’est plus souvent le cas avec d’autres pays.

Citez quelques projets européens des établissements scolaires, les typiques et les originaux.

Il m’est difficile d’identifier des projets plus méritants ou plus créateurs de plus-value que d‘autres, car ils sont tous le fruit de l’investissement d’un enseignant, d’une équipe, des élèves, et que chacun, comme j’ai essayé de l’expliquer dans la réponse précédente, fait le maximum en fonction de ses possibilités. Mais on peut se faire une idée de la diversité et de la richesse des projets conduits dans les collèges, les lycées, les écoles, en consultant sur le site académique notre rubrique « Projets internationaux des établissements », créée en 2016 :
http://www.acclermont.fr/action-educative/europe-et-international/projets-internationaux-des-etablissements/

De nombreux projets sont répertoriés dans cette rubrique. Pourtant, elle est très loin d’être exhaustive et la grande majorité des projets n’apparaissent pas, faute de temps pour les présenter tous, et également parce que l’exhaustivité n’est pas l’objectif de cette rubrique, créée pour donner envie et donner des idées, tout en mettant à l’honneur les collègues qui veulent bien nous faire partager leurs réalisations.

Quelle plus-value ce type de démarche apporte-t-il pour un collège ou un lycée ? S’agit-il plutôt d’une démarche civique ou y a-t-il une véritable plus-value à ces échanges ?

Je crois qu’on peut dire d’un projet européen ou international qu’il est parfaitement réussi lorsqu’il a contribué à souder un groupe classe et des enseignants, et à faire aimer l’école, le travail collectif, le partage, l’échange, la qualité relationnelle et la coopération avec les adultes – en un mot lorsqu’il conforte l’élève dans la bonne relation qu’il a déjà avec l’école et l’éducation, ou bien, pour ces élèves qui ne vivent pas sereinement leur scolarité, lorsqu’il modifie pour le meilleur leur perception de l’école et qu’il leur donne enfin la possibilité de se sentir appartenir avec bonheur à un ensemble dans lequel ils peuvent à fois apprendre et s’épanouir. En un mot, lorsqu’il contribue à construire cette école de la confiance que nous appelons tous de nos voeux. C’est une visée qui n’est pas propre à l’international, naturellement. Tous les types de projets, tous les enseignements, toutes les mesures qui visent à améliorer le climat scolaire et les relations élèves-adultes peuvent en théorie contribuer à construire l’école de la confiance. Mais je dois dire que dans l’international, je reçois très fréquemment des témoignages d’enseignants qui me disent comment ils ont pu raccrocher tel ou tel élève en difficulté et lui redonner goût à la scolarisation et à l’apprentissage grâce à un projet international, ou comment, avec un projet international fédérateur, ils ont pu donner une âme à leur groupe classe et ainsi « vitaminer » le désir d’apprendre et de travailler. Souvent, tout autant que le caractère international du projet, c’est son aspect collaboratif et interdisciplinaire qui aura été au coeur de sa réussite.
A côté de cela, il y a bien évidemment des plus-values qui sont propres à l’international, que tout le monde connait bien aujourd’hui et qu’il n’est pas utile de détailler ici, comme la découverte de l’autre et des cultures autres, le partage des valeurs que nous jugeons universelles, l’épanouissement personnel ou collectif qui peut naître d’une rencontre ou d’un voyage à l’étranger… Ce qui pourrait peut-être rester à développer ou à creuser aujourd’hui au moyen des projets internationaux, c’est ce que la connaissance de l’autre et des cultures autres nous apprend sur nous-mêmes – ce qu’elle nous aide à comprendre et à aimer de nous-même en tant que personne qui se construit et qui se construira toute sa vie, et en tant que membre d’un ensemble régional et d’un ensemble national qui peuvent se comparer à d’autres (sans tomber dans le piège de l’herbe qui serait toujours plus verte ailleurs).