03
Juin

Les résultats des élections européennes de mai 2019 sont historiques. Pour la première fois depuis 1994, plus de la moitié des Européens s’est rendue aux urnes afin d’élire leurs eurodéputés. Une autre particularité de ces élections est la montée des partis nationalistes et des partis écologistes au sein du Parlement européen. Ainsi,

  la logique du consensus entre le parti de droite (Parti Populaire Européen) et le parti de gauche (Parti Social-Démocrate) risque de s’effriter face à la montée de ces deux partis aux visions fondamentalement différentes du projet européen.

 

Taux de participation en hausse

Résultats des partis français

Résultats ailleurs en Europe

Résultats des groupes politiques européens

Taux de participation en hausse ! Une 1ère dans l’histoire.

C’est un progrès pour la démocratie par rapport aux dernières élections européennes. A l’échelle du continent, 51% des citoyens européens se sont rendus dans les bureaux de vote, du jamais vu depuis 1994. Cela signifie que les citoyens européens se sentent concernés par l’Union européenne, qu’ils la rejettent ou non.

Paradoxalement, le taux de suffrages exprimés aux élections européennes n’a fait que décroître depuis 1979 jusqu’en 2014, passant respectivement de 62% à 42,61% alors que le Parlement européen obtenait des pouvoirs de plus en plus importants pour légiférer sur notre quotidien. Cette phase descendante de la démocratie européenne s’achève en 2019, en espérant que ces élections ne demeurent pas une exception en termes de participation.

Parmi les Etats, beaucoup affichent des hausses de participation assez spectaculaires. L’Allemagne est passée de 48,1% de suffrages exprimés en 2014 à 61,4% en 2019. La Roumanie passe de 32,4% à 49%, tandis que l’Espagne augmente de 20,5 points (de 43,8% à 64,3%) sur la même période, affichant la plus forte augmentation d’expression des suffrages en Europe.

Il y a cependant quelques décroissances en termes de votants, le plus mauvais élève étant la Bulgarie où la participation, déjà fébrile en 2014 (35,8%), a diminué de 5 points pour tomber à 30,8%.  Par ailleurs, l’Etat où les citoyens se sont le moins rendus aux urnes demeure la Slovaquie, avec seulement 22,7% de participation, en dépit de l’augmentation des suffrages exprimés de 9,7 points par rapport à 2014.

En France, le taux de participation s’élève 50,12%, une hausse d’environ 8 points par rapport à 2014. Au niveau départemental, le Puy-de-dôme compte 54,49% de votants, tandis qu’au niveau local, les Clermontois ont été 48,49% à aller voter.

En somme, la moitié des citoyens européens s’est rendue aux urnes afin de voter pour l’Europe qu’elle désire. Si cela fait figure d’un progrès notable dans l’histoire de la construction européenne, il manque toutefois les votes de la seconde moitié des 427 millions d’Européens. Une participation plus importante de la part des citoyens permettrait d’accroitre la légitimité du Parlement européen qui aurait un plus grand poids lors des négociations avec les autres institutions européennes.

Résultats des partis politiques Français et comparaison avec 2014

Les Français ont donné la première place à la liste du Rassemblement National, avec 23,31% des suffrages exprimés. Le parti souverainiste est suivi de près par la liste Renaissance avec 22,41%. Le troisième parti de France lors de ces élections est Europe Ecologie les Verts, avec 13,47% des suffrages exprimés. La liste Union Droite-Centre termine 4ème avec 8,48%, tandis que la France insoumise a engrangé 6,31% des bulletins de vote. Enfin, la liste Parti Socialiste-Place Publique est la dernière à obtenir des députés européens, en recueillant 6,19% des suffrages exprimés.

En France, le parti souverainiste du Rassemblement National conserve sa place de premier parti lors des élections européennes et ne perd qu’un seul point par rapport à ses 24,86% en 2014. La liste du parti au gouvernement La République en Marche intégrera pour la première fois le Parlement européen, et enverra un contingent non-négligeable au Parti européen ALDE. Il faut néanmoins souligner que le parti EELV réalise une progression fulgurante, passant de 8,95% en 2014 à 13,47% le 26 mai dernier.

Elections nationales 2019 : https://resultats-elections.eu/resultats-nationaux/france/2019-2024/

Elections nationales 2014 : https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Europeennes/elecresult__ER2014/(path)/ER2014/FE.html

Résultats élections européennes en France de 2019

  • Rassemblement National - 23,31%
  • La République en Marche + MODEM + Partenaires - 22,41%
  • Europe Ecologie les Verts - 13,47%
  • Les Républicains - 8,48%
  • La France Insoumise - 6,31%
  • Parti Socialiste - Place Publique - 6,19%

Résultats des élections au Puy-de-Dôme

  • La République en Marche, MODEM et partenaires 21,15
  • Rassemblement National 19,22
  • Europe Ecologie les Verts 12,55
  • Les Républicains et Partenaires 9,27
  • Parti Socialiste - Place Publique 7,70
  • La France Insoumise 6,87
  • Parti Communiste Français 4,42
  • Union des Démocrates Indépendants 4,38
  • Génération.s 3,96

A l’échelle du département, les citoyens du Puy-de-Dôme ont voté à 21,15% pour la liste Renaissance, suivi par la liste du Rassemblement National avec 19,22%. Europe Ecologie les Vertes terminent troisième avec 12,55%, devant la liste des Républicains comprenant 9,27% des suffrages. La liste du Parti Socialiste-Place publique (PS-PP) obtient 7,70%, devançant la France insoumise et ses 6,87% des bulletins de vote.

Source : https://elections.interieur.gouv.fr/europeennes-2019/084/063/index.html

Résultats des élections européennes en France de 2014

  • Rassemblement National - 24,86%
  • UMP (Devenu Les Républicains) - 20,81%
  • Parti Socialiste - 13,98%
  • MODEM - 9,94%
  • Europe Ecologie les Verts - 8,95%
  • Front de Gauche - 6,33%
  • Divers Droite - 5,98%
  • Divers Gauche - 3,18%

Résultat des élections européennes à Clermont-Ferrand

  • La République en Marche, le Modem et ses partenaires
  • Europe Ecologie les Verts
  • Rassemblement National
  • Parti Socialiste et Place Publique
  • Les Républicains et partenaires
  • La France Insoumise
  • Génération.s
  • Union des Démocrates Indépendants
  • Parti Communiste Français

 

A Clermont-Ferrand, C’est également la liste Renaissance qui devance cette fois Europe Ecologie les Verts avec 23,09% des voix contre 15,61%. La liste soutenue par Marine Le Pen est troisième avec 14,43%, suivie de la liste PS-PP et ses 8,57%. La liste soutenue par Les Républicains termine cinquième avec 8,10%, devant La France Insoumise qui comptabilise 7,84% des votes clermontois.

Source : https://elections.interieur.gouv.fr/europeennes-2019/084/063/063113.html

Résultats ailleurs en Europe

Chez nos voisins, les élections permettent également de cerner la pluralité de projets européens des citoyens.

Au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les élections européennes n’ont mobilisé que 37% des inscrits sur les listes électorales. Pour autant, les résultats sont d’une nature inédite au sein du paysage politique britannique. En effet, le récent Brexit Party recueille 31,69% des votes. Le parti des Libéraux Démocrates obtient 18,53% des suffrages exprimés alors que le Labour party (parti des travailleurs), habituellement premier ou second aux élections britanniques sur les 60 dernières années, se retrouve troisième avec 14,08% des voix. Ce score n’est toutefois pas le plus étonnant. Le quatrième parti de ces élections étant le Green Party avec 11,10%. En revanche, le parti des Conservateurs – historiquement premier ou deuxième de chaque élection depuis 60 ans également – paie très cher ses négociations sur le Brexit, en obtenant 8,68% des votes. Les élections européennes au Royaume-Uni constituent un véritable chamboulement dans les rapports de force entre les partis. Néanmoins, ces résultats sont à relativiser car seulement un peu plus d’un tiers des électeurs s’est mobilisé. Il est donc difficile de déduire de ces résultats que les Britanniques désirent majoritairement ou non un Hard Brexit.

En Hongrie

En Hongrie, le parti de gouvernement de Viktor Orban, le Fidesz, remporte largement les élections avec 52,33% des votes, en dépit d’une participation de 43,36% des citoyens hongrois. Néanmoins, on peut se demander où iront les 13 eurodéputés du Fidesz au Parlement européen. En effet, le Parti Populaire européen (PPE) a récemment exclu le Fidesz de son groupe en raison des violations des valeurs européennes opérées par le gouvernement hongrois ces dernières années. Ce contingent de 13 eurodéputés hongrois de droite souverainiste sera un soutien non-négligeable dans le parti auquel ils adhéreront pour la prochaine mandature. Notons que le Fidesz n’est pas un parti d’extrême-droite, mais il est un parti qui revendique la souveraineté de la Hongrie, quitte à ne pas respecter les valeurs européennes pour affirmer la volonté de son Etat.

Evolution des droites souverainistes

On note que les partis d’extrême-droite et de droite souverainiste affichent une croissance sans précédent dans la majorité des Etats de l’Union. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti souverainiste allemand, est passé de 1 à 11 sièges entre 2014 et 2019. De même, le parti au gouvernement souverainiste, le PiS en Autriche passe de 19 à 26 sièges en 2019.

En revanche, dans certains Etats, ces mêmes partis eurosceptiques se sont retrouvés en perte de vitesse lors des élections de 2019. Au Danemark, le parti populaire Danois (DF) passe de 3 à 1 siège au Parlement européen. Au Pays-Bas, les partis nationalistes (le Forum pour la démocratie, FvD et la coalition de l’Union chrétienne et du parti politique réformé, CU-SGP) ont remporté 5 sièges – soit 1 de plus qu’en 2014. Cependant, le parti d’extrême-droite (le parti pour la liberté, PVV) a perdu ses deux sièges au Parlement européen. Il n’est donc pas possible de parler d’une vague nationaliste et d’extrême-droite sur l’ensemble des Etats de l’Union européenne.

Ecologie et partis libéraux

Une autre progression parmi les partis politiques en Europe est celle des écologistes. En effet, les partis écologistes réalisent des résultats exceptionnels parmi plusieurs Etats de l’Union. Au Danemark, ils passent de 1 à 2 sièges, en Irlande ils remportent 2 sièges et en Allemagne, les partis écologistes conquièrent 22 sièges au Parlement européen contre 13 auparavant. Remarquons toutefois qu’en Suède, les écologistes perdent 2 sièges, tout comme en Espagne.

Une dernière progression notable est celle des libéraux. En plus de la France, les libéraux Roumains passe de 3 à 8 sièges, tandis qu’au Royaume-Uni, les libéraux passent de 1 à 16 eurodéputés en 2019.

La croissance des extrêmes-droites, des nationalistes, écologistes et des libéraux impliquent par conséquent que les partis conservateurs et sociaux-démocrates affichent un net recul au sein de l’Union européenne.

Retrouvez un cartographie complète sur le site : Le Monde

Résultats des partis politiques européens et composition du nouveau parlement 2019-2024

La montée des partis souverainistes et d’extrême-droite, ainsi que des partis écologistes au Parlement européen implique que les partis historiquement prépondérants de l’hémicycle subissent une baisse drastique de leurs effectifs. Le Parti populaire européen (PPE) – groupe des Républicains – perd 38 sièges et obtient 179 eurodéputés, comprenant également les 13 eurodéputés du Fidesz hongrois. Si le Fidesz ne réintègre pas le PPE, ce dernier se retrouverait avec 165 eurodéputés. Certes, il demeurerait le plus grand parti du Parlement, mais il serait considérablement affaibli. Le deuxième parti du Parlement est une nouvelle fois celui des Sociaux-Démocrates – groupe du Parti Socialiste et de Place Publique – qui perd 32 eurodéputés par rapport à 2014.

Les deux autres partis perdant des sièges au Parlement sont les Conservateurs et Réformistes européens (ECR) et le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL). L’ECR et la GUE/NGL affichent chacun une perte de 14 sièges avec désormais 63 eurodéputés pour l’ECR et 38 pour la GUE/NGL.

Les gagnants de ce scrutin sont l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE), les Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE), l’Europe des Nations et des Libertés (ENL) et le Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD).

Le troisième parti demeure l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) – groupe de la liste Renaissance, incluant La République en Marche et le Modem – qui réalise une progression de 36 sièges avec désormais 105 eurodéputés. Notons que 16 eurodéputés de l’ADLE proviennent du Royaume-Uni, appelé à sortir prochainement de l’UE.

Les Verts/Alliance Libre Européenne – groupe d’Europe Ecologie les Verts – obtiennent également plus de poids au Parlement, passant de 52 à 69 sièges.

Les autres gagnants de ce scrutin sont le groupe Europe des Nations et des Libertés – groupe du Rassemblement National – qui gagne 22 sièges pour un total de 58 eurodéputés. L’ENL est donc le sixième groupe parlementaire juste derrière l’ECR et devant l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD), situé politiquement à droite de l’hémicycle avec une hausse de 12 sièges pour parvenir à 54 eurodéputés.

A partir de cette nouvelle composition politique au Parlement, la logique du consensus sera plus difficile à obtenir. En effet, l’alliance historique entre les Sociaux-Démocrates et le PPE leur permettait de contrôler l’orientation politique du Parlement européen. Cette alliance n’est désormais plus suffisante car les députés des deux groupes n’atteignent pas la majorité, soit 376 parlementaires. Il leur faudra donc composer davantage avec les autres formations politiques.

Cela peut s’avérer positif pour la démocratie européenne. Nous pouvons espérer que le Parlement soit davantage politisé et mène à des débats qui auraient assez d’écho pour résonner jusqu’aux citoyens européens. En revanche, la diversité des formations politiques au sein de l’hémicycle pourrait se traduire par des blocages lors du vote des textes proposés par la Commission. Quoiqu’il en soit, le renouveau du pluralisme politique au Parlement européen changera la manière donc fonctionne la vie politique européenne.